Pourquoi la démocratie participative ?
Pourquoi les projets de quartier?
Note de discussion


Eric Corijn

Plus qu´un principe abstrait ou une éthique générale, c´est une (tentative de) réponse (partielle) au diagnostic des trois crises : crise de la démocratie, crise écologique et crise sociale. Faire de la politique autrement signifie mettre la sortie de ces trois crises au centre des préoccupations et d´en déduire des lignes directrices générales.

Les Constats

1. La crise démocratique.

Notre tradition de démocratie représentative date du 19ième/début du 20ième siècle. Les prémisses en étaient : un équilibre entre le système-monde (le marché mondial, cadre de l´économie) et le système des Etats-nations (cadre de la régulation sociale et politique). Déjà cela nous à inculqué une vision étriquée de la " société " couramment réduite au " pays ". En plus la notion d´Etat-nation relie les droits politiques à une appartenance culturelle (la nation), socle d´un style de vie plus ou moins unique. La politique était organisée autour de grandes options de valeurs et de grands intérêts (les idéologies) avec une adhérence populaire plus ou moins stable. C´est dans ce cadre que l´idée de représentants, de mandataires a un sens : on peut élire son représentant pour 4 ou 5 ans et lui peut déduire ses attitudes d´un cadre idéologique cohérent et stable. En plus la " base " était organisée dans une société civile " pilarisée " et donc la consultation (le pouls) était une question interne. En fait cette conception de la politique n´a besoin que de citoyens d´un jour, puisque, entre deux élections la souveraineté populaire est transféré au conseil/parlement. Les électeurs re-deviennent incapables de participer à l´élaboration de l´intérêt général, puisqu´ils sont toujours approchés par le billet de leurs intérêts particuliers ou de groupe.

Ce système est en crise. Par-ce que la mondialisation néo-liberale a foutu en l´air l´équilibre (déjà précaire - voir les multiples conflits) marché-état, tant sur le plan mondial que à l´intérieur de l´état. La régulation sociale est faite conformément au marché. Le politique perd prise. Les idéologies sont en crise. Les gens s´individualisent et s´attachent moins à un système de penser : ils se comportent en consommateur d´idées. Les piliers rentrent en crise et les politiciens changent leurs liens avec l´électorat : plus de publicitaire et plus de médiatisation... donc plus de populisme. Mais en même temps les gens sont plus informés et moins suivistes. Le respect pour les représentants diminue, pas moins par-ce que les scandales et la corruption semblent faire partie du système. Enfin on connaît l´histoire : crise de la politique. Tentation autoritaire et tentation de privatisation accélérée. Il y a crise de l´exécutif et en même temps de l´autorité du technicien, de l´expert.

La question du lien entre citoyen et politique est posée et fait partie de la grande question de la légitimité de la politique. Rétablir ce lien semble essentiel pour toute légitimation démocratique. L´élection ne suffit plus, reste la méthode de gouverner.... C´est là que se pose la question de la participation : du lien entre les représentants et les électeurs, du politique et la société civile, du citoyen (à inventer) avec ses deux instances, de la distribution du pouvoir, etceteri etcetera

2. La crise écologique.

En 2030 nous serons 8 milliards sur terre. Il est clair qu´il est exclus qu´ils vivent tous avec notre style de vie. Pas assez de ressources, trop de déchets. D´ailleurs maintenir le style de vie de (la majorité des) occidentaux n´est même pas possible. Je vous épargne la liste des problèmes " objectifs " (voire p.ex. Agenda 21) sur lequel il y a déjà accord. Mais il est aussi évident que la vapeur n´est pas renversé. La mondialisation néo-libérale amène encore plus de pression sur le système écologique. Pour y remédier il faut substantiellement changer de politique et de comportement. Mais justement les deux se tiennent. Le glissement idéologique des années 80 rend les gens de plus en plus soumis au marché, à la marchandisation, au comportement de consommateur, au " contrat ", aux rapports utilitaires, à l´individualisme...Il semble très improbable qu´il est possible de changer les mœurs et le comportement par le haut, en changeant les règles, les normes et en augmentant les contrôles...Ce n´est pas par le moralisme qu´on change une société. Il n´est pas possible de combiner l´individualisme libéral avec un comportement écolo-social...Pour changer " durablement " on devra " Anders gaan leven ". Répondre à la crise écologique n´est plus une pure question de connaissance ou de politique, mais d´un changement de société. Il va falloir donc intéresser les gens au rapports non-marchands et pour cela il faut créer les " espaces " et les " proximités " pour ces nouvelles habitudes. C´est à ce prix qu´une politique écologiste devient réaliste, aussi au niveau local : des crottes de chiens et le parking des bagnoles, à l´usage des transports en commun et le tri des ordures...De nouveau la " participation " est vitale.

3. La crise sociale

Les inégalités s´accroissent, la fragmentation et la segmentation s´accentuent, la diversification culturelle est de plus en plus visible. Ceci est vrai au niveau mondial : 3 milliards de gens vivent avec moins de 2 Euro par jour, 20% des plus pauvres se partagent 1% des richesses, la moitié des noirs Américains vivent en dessous du minimum vital...Nous pourrions allonger la liste. Ceci est aussi vrai chez nous, dans notre vie de tous les jours, par-ce que les inégalités ce sont mondialisés : il y a partout un tiers monde et un quart monde, comme il y a partout un monde riche maintenant. Tout cela repose la question de la cohésion sociale. Il y a la réponse libérale (Thatcher qui disait : la société n´existe pas) qui renvoie tout vers les rapports marchandes et les contrats entre individus. Il y a la réponse post-moderne qui réduit toute inégalité au pluralisme. Et il y a surtout la réponse sécuritaire, qui ne compte plus réduire les inégalités mais qui compte les contenir dans un bon dispositif répressif. La aussi il est clair que rétablir une vie sociale ne peut se faire que dans les limites de différences acceptables et ne peut se faire dans une situation d´inégalité sociale. Mais inversement il n´y aura pas de solidarité véritable quand il y a ségrégation sociale, que les gens ne rencontrent pas les différences...Compter sur l´Etat providence pour contenir les inégalités sociales semble naïf, il faut redéployer la solidarité directe ( et se redéploiement sera d´ailleurs nécessaire pour défendre une sécurité sociale, un service public et un état social).

Là aussi le style de vie est en jeu. La construction de l´Etat social se basait sur l´accord social (le Fordisme, le Keynesianisme), sur l´augmentation de la productivité en échange d´une programmation sociale égalitaire. Maintenant (chômage, flexibilité,dérégulation, privatisation) il n´y a plus ce contrat social. Il y a les " nouvelles classes moyennes " qui se conforment à la nouvelle société de consommation productiviste et il y a les exclus de tout genre. Le " tissu social " est déchiré et ne sera pas reconstruit via les organisations sociales (qui ne représentent plus tout le monde, qui sont eux mêmes devenus plus corporatistes, etc, etc)

On pourrait y ajouter un

4. La crise urbaine

Ces trois crises se localisent dans les villes, ajouté au fait que vivre en ville est par définition " vivre avec des étrangers ". Tout cela fait de la société (urbaine) une société multiculturelle, qui ne peut être géré comme un Etat-nation, avec les mêmes idées de représentation, d´expertise et de planification. Cela est surtout vrai à Bruxelles. Evidemment il y a la multi-etnicité (plus d´un tiers d´étrangers, des dizaines de nationalités...). Mais il y a aussi la multitude de styles de vie (et de survie). Du côté de cette "nouvelle classe moyenne" il y a l´influence forte de la mondialisation et de ces effets sur le découpage des "idéaux". Il n´y a plus l´idéal commun de la bonne vie petite-bourgeoise visée par tout le monde des années 60-70. Du côté des couches plus populaires, il y le "retour" des origines différentes, des cultures communautaires, maintenant que la "mobilité sociale" (l´émancipation) ne semble plus garanti. Et puis il a tous ces métissages ( à Bruxelles plus de 40% des ménages sont multilingues! Ils ont donc un problème à se reconnaître dans les institutions communautaires comme ils sont présentés en Belgique). Un patch-work donc. Cela en rajoute au problème de représentativité et de légitimité du pouvoir.

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Les remèdes

J´espère que la façon (bien évidemment partisane) de poser les problèmes montre déjà que toute politique qui se cantonne dans la philosophie politique et les institutions politiques dérivées du XIXième siècle est voué à l´échec. Oui, il s´agit de remettre le politique à la barre, de refaire un projet de société, de ne pas laisser l´ordre des choses au marché. Mais cela ne se fera pas sans repenser le politique même, ses mythes, rites et ses institutions. Il ne s´agit donc pas en premier lieu de mieux gérer les choses, il s´agit de mieux orienter les gens pour que ensemble on gère mieux les choses...Répétons-le :la légitimité n´est pas donnée par les élections, elle est gagnée par la méthode, la procédure de gouvernement !

Il s´agit donc de trouver le lieu de rencontre (n´oublions pas que nous partons d´un fossé entre la politique et la population, d´une méfiance anti-politique alimentée par le libéraux et par le populisme) entre la politique et les gens. Autrement dit il s´agit de travailler à une rencontre citoyenne, étant entendu que les gens ne sont citoyens que dans la mesure ou il sont à la recherche de l´intérêt général et que les politiques ne sont des dirigeants respectables que dans la mesure où il cherchent à orienter les gens dans cette recherche. Et nous pensons (nous faisons le pari) que le meilleur terrain de rencontre est l´espace de vie quotidien :le quartier. Par-ce que le quartier est sans doute le lieu le plus immédiat de rencontrer la complexité et les crises décrites. Un élément central du programme de revitalisation de la société est le développement durable de quartiers. Il s´agit d´élaborer la transparence sur le développement des quartiers en intégrant dans une vison globale et compréhensible pour la population les politiques (a) de rénovation, logement, espaces publics; (b) d´économie locale, commerce, formation; (c) de sécurité et solidarité; (d) culture, sports, éducation; (e) de santé et social et (f) environnement. Un projet, quoi. Bien entendu cela s´intègre dans une vision globale de développement de la commune et en fait encore plus globalement dans une dynamique urbaine. Ce qui sou tend l´accent sur les quartiers est l´hypothèse que c´est un niveau ou l´on peut intéresser la population de façon citoyenne et ou l´on peut espérer contribuer à une reconstruction du "tissu social".

Mais il a sûrement des gens qui ne se reconnaissent pas dans cette approche. On en a marre des " comités de quartiers " qui ont tendance au " tout territorialité ", a voir tout en termes " d´aménagement ". Et il y a le problème de comment intégrer des plans de quartiers au niveau communal ou régional et au niveau de certaines institutions. Nous devons donc aussi penser la participation à des niveaux transversales. Il y a bien sur les terrains institutionnels : l´école, la santé, .... Mais sur ces domaines les gens ont tendance à se présenter avec une identité partisane - parent, malade, jeune, femme....et même si la participation semble plus facile, la participation citoyenne semble plus difficile à atteindre. Peut-être nous devons penser des conseils transversaux sur de questions plus larges :

les services publiques, la mobilité, etc. En tout cas il s´agit aussi de discuter les rapports entre ces " participations " sectorielles (qui mobilise surtout les intéressés, la société civile ) et les lieux d´une démocratie participative qui s´adresse à toute la population. Il y donc matière à discussion.

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